En bref :
Des fusions du gène ALK sont présentes dans environ 3 à 7% des tumeurs du poumon. Leur présence a permis de montrer l’efficacité d’un premier inhibiteur d’ALK, le crizotinib.
ALK est un récepteur à tyrosine kinase qui peut être anormal dans plusieurs types de cancers. Par exemple, des mutations activatrices d’ALK sont retrouvées dans certains neuroblastomes (Chen et al. 2008; George et al. 2008; Janoueix-Lerosey et al. 2008; Mosse et al. 2008). Des fusions d’ALK ont été décrites dans le lymphome anaplasique à grandes cellules (NPM-ALK) (Morris et al. 1994), dans les tumeurs myofibroblastiques inflammatoires (IMT) (Lawrence et al. 2000) et dans le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) (Choi et al. 2008; Koivunen et al. 2008; Rikova et al. 2007; Soda et al. 2007; Takeuchi et al. 2009). Toutes les fusions d’ALK contiennent le domaine tyrosine kinase du récepteur dans son intégralité. A ce jour, toutes les fusions d’ALK évaluées biologiquement ont montré une activité oncogène in vitro et in vivo (Choi et al. 2008; Morris et al. 1994; Soda et al. 2007; Takeuchi et al. 2009).
Les différents partenaires de fusion N-terminaux favorisent la dimérisation et donc l’activité kinase [pour une revue générale, voir (Mosse, Wood, and Maris 2009)]. La signalisation d’aval de ces fusions se traduit par une activation des voies impliquées dans la croissance et la prolifération cellulaires.
Fusions d’ALK dans le Cancer du Poumon Non à Petites Cellules (CPNPC)
Des fusions du gène ALK sont présentes dans environ 3 à 7% des tumeurs du poumon (Koivunen et al. 2008; Kwak et al. 2010; Shinmura et al. 2008; Soda et al. 2007; Takeuchi et al. 2008; Wong et al. 2009). Ces fusions d’ALK sont plus souvent trouvées chez les fumeurs légers (<de 10 paquets-années) et/ou les non-fumeurs (Inamura et al. 2009; Koivunen et al. 2008; Kwak et al. 2010; Soda et al. 2007; Wong et al. 2009). Les fusions d’ALK sont également plus fréquentes dans les tumeurs du sujet jeune (Inamura et al. 2009; Kwak et al. 2010; Wong et al. 2009) dans les adénocarcinomes avec composante histologique acineuse (Inamura et al. 2009 ; Wong et al. 2009), ou avec présence de cellules en bague à chaton (Kwak et al. 2010).
Sur le plan thérapeutique, la présence de fusions d’EML4-ALK est associée à une résistance aux inhibiteurs d’EGFR tyrosine kinase (EGFR TKI) (Shaw et al. 2009).
Plusieurs types de réarrangements d’ALK ont été décrits dans le CPNPC. La majorité de ces variants de fusion comprennent une partie du gène EML4 associée au gène ALK. Au moins neuf variants de fusion EML4-ALK ont été identifiés dans le CPNPC (Choi et al. 2008; Horn and Pao 2009; Koivunen et al. 2008; Soda et al. 2007; Takeuchi et al. 2008; Takeuchi et al. 2009; Wong et al. 2009). En outre, des variants de fusion non-EML4 ont également été identifiés, par exemple KIF5B-ALK (Takeuchi et al. 2009) et TFG-ALK (Rikova et al. 2007). En pratique, la présence d’un réarrangement d’ALK est détecté par hybridation in situ fluorescente (FISH) à l’aide d’une sonde ALK « break apart ». La FISH ne permet pas de déterminer le sous-type spécifique de fusion d’ALK présent dans l’échantillon tissulaire.Cependant, la mise au point de la détection des anomalies de ALK en RT-PCR (Reverse Transcription Polymerase Chain Reaction) (Wang et al. 2012) devrait permettre d’identifier les sous-types d’anomalies. De plus, les résultats de RT-PCR apparaissent bien corrélés à ceux de la FISH. Une équipe de l’Institut d’Oncologie Thoracique a montré que le réarrangement d’ALK pouvait être également détecté sur les cellules tumorales circulantes, grâce a une technique de FISH modifiée. Cette technique permet de réaliser le test lorsque le tissu tumoral n’est pas disponible et de suivre dans le temps l’évolution du nombre de ces cellules (Pailler et al. 2013). Enfin des techniques d’immuno-histochimie commencent également à être mises au point pour détecter des anomalies d’ALK (To et al. 2013).
Dans la majorité des cas, les réarrangements d’ALK sont exclusifs des autres mutations oncogènes retrouvées dans le CPNPC (Mutations d’EGFR, mutations de KRAS, etc.) (Inamura et al. 2009; Kwak et al. 2010; Shinmura et al. 2008; Wong et al. 2009; Gainor et al. 2013). Cependant la coexistence avec d’autres anomalies moléculaires (mutations EGFR et surtout MET) a été décrite (Boland et al. 2013).
Le crizotinib (Xalkori), inhibiteur d’ALK et du récepteur c-Met,est le premier traitement ciblé approuvé dans le traitement du CPNPC en présence d’une fusion de ALK (Bang YJ 2012).
Date de mise à jour : 27/03/2014
Fusions d’ALK dans le CPNPC (Tableau 1)
Propriétés |
Localisation des mutations | Réarrangements chromosomiques impliquant le gène ALK sur 2p23 |
Fréquence des fusions d’ALK | 3-7% de l’ensemble des CPNPC |
Implications pour les traitements ciblés |
Réponse aux ALK TKIs | Sensibilité augmentée |
Réponse aux inhibiteurs d’HSP90 | Sensibilité augmentée |
Réponse aux inhibiteurs d’EGFR tyrosine kinase | Sensibilité diminuée |
Réponse aux anticorps anti-EGFR | Inconnu à ce jour |
Dans une étude de phase I portant sur 149 patients présentant une fusion d’ALK, le taux de réponse radiographique était de 61% sous traitement par le crizotinib, un inhibiteur (TKI) d’ALK/MET (Camidge et al. 2012). La médiane de Survie Sans Progression (PFS) était de 9,7 mois et 75% des patients étaient en vie à un an. Un essai de phase III randomisé international dans le cancer du poumon avancé avec fusions d’ALK a comparé le crizotinib à la chimiothérapie standard, après progression de la maladie sous traitement standard de première ligne. Les résultats montrent un avantage au crizotinib en termes de survie sans progression: 7,7 mois vs 3,0 mois pour la chimiothérapie standard (Shaw et al. 2013). De nouveaux inhibiteurs d’ALK sont en développement, comme le CH5424802, qui a permis d’obtenir un taux de réponse de 93,5% dans une étude de phase 2 chez des patients naïfs de traitement inhibiteur d’ALK (Seto et al. 2013).
La sensibilité au pemetrexed des patients avec un cancer du poumon et un réarrangement ALK a fait l’objet d’études rétrospectives qui ne permettent pas de conclure. Une étude a montré que les patients avec un cancer du poumon et un réarrangement ALK avaient un taux de réponse et une survie sans progression améliorés si traités avec le pemetrexed en monothérapie ou en association (Camidge et al. 2011). Il est à noter qu’aucun des patients ALK évalués dans cette étude n’avait été précédemment traité par le crizotinib. En revanche, une autre étude rétrospective a montré une survie sans progression équivalente à ce qui est retrouvé pour les patients ne présentant pas ce type d’anomalie (Shaw et al. 2013). Pour ce qui concerne l’erlotinib, une autre étude rétrospective a montré l’absence de signe d’efficacité de cet inhibiteur de l’EGFR chez les patients porteurs d’anomalies d’ALK (Shaw et al. 2009).
Dans une étude non-randomisée de phase II de l’IPI-504, un inhibiteur d’HSP-90, chez des patients présentant un cancer du poumon avancé, en progression sous EGFR TKI, les tumeurs de trois patients se sont rétrospectivement avérées comme présentant des réarrangements d’ALK. Deux de ces patients ont eu une réponse partielle, tandis qu’un troisième a eu une maladie stable prolongée (7,2 mois, diminution de 24% de taille de la tumeur) (Sequist et al. 2010). Dans une étude de phase 2 d’un autre inhibiteur d’HSP-90, le ganetespib, 7 patients sur 8 avec un cancer du poumon et un réarrangement ALK, non traités par crizotinib, ont eu un bénéfice clinique sous forme de réponse partielle (4 patients) ou de maladie stable (3 patients) (Socinski et al. 2013).
Fusions d'ALK dans le CPNPC: études avec le crizotinib (Tableau 2)
Classe de médicament | Agent thérapeutique | Type d'étude | Ligne de traitement | # pts dans l’étude | Taux de réponse | PFS (mois) | SG (mois) | Référence |
ALK/MET TKI | Crizotinib | Phase 1 | 1ère à > 3ème | 149 | 61% | 9,7 | ND | Camidge et al. 2012 |
ALK/MET TKI | Crizotinib | Phase 3 | 2ème | 173 | 65% | 7,7 | ND | Shaw et al. 2013 |
Anti-folate multi-cibles ou taxane | Pemetrexed ou Docetaxel | id | id | 174 | 20% | 3,0 | ND | id |
ND : donnée non disponible PFS: Survie sans progression SG: survie globale
Fusions d'ALK dans le CPNPC: autres traitements (Tableau 3)
Classe de médicament | Agent thérapeutique | Type d'étude | Ligne de traitement | # pts dans l’étude | Taux de réponse | PFS (mois) | SG (mois) | Référence |
ALK TKI | CH5424802 | Phase 2 | 1ère | 46 | 93,5% | ND | ND | Seto et al. 2013 |
ALK TKI | ceritinib | Phase 1/2 | 2ème ou plus | 114
dont 80 prétraités par crizotinib | 58%
56% | 7,0
6,9 | ND
ND | Shaw et al. 2014 |
Inhibiteur HSP-90 | IPI-504 | Phase 2 | 2ème ou plus | 3 | 2 réponses partielles
1 stabilisation | ND | ND | Sequist et al. 2010 |
Inhibiteur HSP-90 | ganetespib | Phase 2 | 2ème ou plus | 8 | 4 réponses partielles
3 stabilisations | 8,1 | ND | Socinski et al. 2013 |
ND : donnée non disponible PFS: survie sans progression SG: survie globale
Date de mise à jour : 28/03/2014
Cancers du poumon métastatiques - ALK
Indication | Titre de l'étude | Mutation | Lien INCa Essais |
Cancer localement avancé inopérable ou métastatique (tumeur solide ou hémopathie maligne) de tout type histologique, et considéré par l’investigateur comme ne pouvant bénéficier d’une autre thérapie validée, avec une altération identifiée parmi les gènes ALK, MET, RON et ROS1 | Étude multicentrique de phase II, évaluant l'efficacité et la tolérance du crizotinib | ALK, MET, RON, ROS1 | INCa |
Cancer bronchique non à petites cellules, non épidermoïde, avec réarrangement du gène ALK (ALK positif), de stade IIIB ou IV, non traités précédemment | Étude randomisée de phase III, multicentrique, évaluant le LDK378 par voie orale versus une
chimiothérapie standard | ALK | |
Vous pouvez aussi consulter les essais cliniques non spécifiques, en cours à l’Institut Gustave Roussy:
Date de mise à jour : 14/12/2013