L’incidence des cancers augmente nettement avec l’âge. Chez les plus de 70 ans, la thématique de la tumeur pulmonaire est doublement pertinente : le cancer du poumon reste le deuxième cancer le plus fréquent (18 000 nouveaux cas annuels chez les 75 ans et plus en France, d’après Santé Publique France), mais le poumon est aussi la cible privilégiée de métastases de cancers d’autres organes (Santé Publique France). Or, chez le senior, le diagnostic de tumeur pulmonaire soulève immédiatement une question fondatrice pour la suite du parcours : s’agit-il d’un cancer bronchique primitif ou d’une localisation secondaire d’un autre cancer ?
Cette distinction va bien au-delà de la sémantique. Elle oriente le pronostic, les traitements et parfois même les soins de support. Les prises en charge divergent fortement entre une tumeur pulmonaire primitive (souvent traitée localement à un stade débutant) et une métastase pulmonaire (qui nécessite de rechercher et de traiter la maladie d’origine).
La nuance peut sembler théorique, mais dans la pratique, elle conditionne l’ensemble de la réflexion médicale dès l’abord diagnostique.
Les poumons sont le troisième site le plus fréquent de métastases, après le foie et les os (Revue des Maladies Respiratoires, 2018). Après 70 ans, les tumeurs malignes d’origine extranodale qui métastasent fréquemment au poumon sont :
Ces métastases sont particulièrement fréquentes chez les seniors du fait d’un historique tumoral plus long et d’une immunosurveillance parfois affaiblie.
Face à une nodule ou masse pulmonaire nouvellement identifiée (sur une radiographie ou un scanner), la première étape consiste à questionner :
Ces éléments guident l’orientation des examens complémentaires.
Aucun critère radiologique n’est parfaitement spécifique, mais certains aspects orientent :
Cependant, 10 à 20 % des cancers bronchiques primaires peuvent être multiples, tandis que près de 30 % des métastases sont solitaires à l’imagerie (Elsevier Connect).
Chez le senior, la coexistence de multiples antécédents médicaux impose une analyse rigoureuse du dossier :
En 2022, 95 % des bilans d’extension de cancer du poumon en France faisaient appel à un TEP scan (HAS).
Le diagnostic définitif passe par une biopsie :
Chez les seniors, le diagnostic est complexifié par la fréquence des tumeurs multiples ou des lésions anciennes cicatricielles pouvant brouiller l’analyse.
Pour certains cancers, l’identification de mutations génétiques (EGFR, ALK, ROS1, BRAF dans le cancer pulmonaire, HER2 pour le sein, KRAS pour le côlon…) apporte des arguments puissants pour l'origine de la tumeur, et conditionne le traitement.
Le diagnostic chez le senior comporte des enjeux spécifiques :
En moyenne, selon une étude de l’INCa (2021), chez les plus de 75 ans présentant une tumeur pulmonaire, l’origine primitive était confirmée dans 65 % des cas, les 35 % restants révélant une métastase ou une tumeur secondaire, chiffre largement supérieur à celui des patients plus jeunes.
La multiplicité des cancers concomitants chez les personnes âgées impose un dialogue étroit entre cliniciens, radiologues, pathologistes et le patient : les réunions de concertation pluridisciplinaire gériatrique (RCP Oncogériatrie) sont décisives pour valider l'origine, le degré d'investigation souhaitable, et l’adaptation des traitements à la situation personnelle du patient senior.
Aujourd’hui, les progrès de l’imagerie, de la biologie moléculaire et du séquençage des tumeurs permettent une plus grande finesse du diagnostic différentiel. Pourtant, la réflexion ne doit pas perdre de vue la singularité de chaque parcours, l’histoire individuelle et le projet de vie du patient âgé.
Identifier la nature d’un cancer pulmonaire chez la personne âgée, c’est plus que poser un nom sur la maladie : c’est ouvrir la porte à des traitements ciblés, des soins de support optimisés et un accompagnement humain qui ne néglige ni l’espoir ni la dignité du patient senior.