L’immunosénescence désigne la transformation progressive du système immunitaire avec l’âge. Ce processus n’est pas linéaire et ses manifestations sont multiples. On constate notamment :
Ce vieillissement du système immunitaire n’est pas uniforme d’un individu à l’autre. Il est influencé par des facteurs génétiques, environnementaux, comportementaux (tabac, alimentation, exposition à des pathogènes) et par la présence de comorbidités, fréquentes chez les patients âgés.
Le tissu pulmonaire accumule, avec les années, des lésions liées à l’environnement (tabac, pollution, infections), favorisant les mutations et les altérations de l’architecture locale. À cela s’ajoute l’influence directe de l’immunosénescence sur le microenvironnement tumoral. Dans le cas du cancer du poumon, plusieurs mécanismes entrent en jeu :
Ainsi, le vieillissement pulmonaire et l’immunosénescence créent un terrain propice non seulement à l’émergence de tumeurs pulmonaires (carcinogenèse), mais aussi à leur progression et à une moindre efficacité naturelle du contrôle tumoral.
Plusieurs travaux récents permettent d’étayer les liens entre immunosénescence et évolution du cancer bronchique. Il ressort :
Il existe également un lien entre immunosénescence et réapparition de cellules « sénescentes » dans le microenvironnement tumoral : ces cellules peuvent sécréter des facteurs de croissance (SASP) favorisant la prolifération cancéreuse et la résistance aux thérapies locales (chirurgie, radiothérapie).
En Europe, plus de 60 % des nouveaux diagnostics de cancer du poumon concernent des personnes de plus de 65 ans (INCa, 2023). Cette proportion ne cesse d’augmenter du fait du vieillissement de la population. L’immunosénescence, bien qu’encore mal définie biologiquement dans la pratique clinique, apparaît corrélée à plusieurs marqueurs pronostiques négatifs :
Un fait marquant : la survie globale à 5 ans pour le cancer du poumon non à petites cellules, stade avancé, reste inférieure à 10 % chez les 75 ans et plus, contre 17 % tous âges confondus (INCa, 2023). La contribution de l’immunosénescence à ce différentiel progresse, même si d’autres facteurs interviennent, comme les comorbidités, l’accessibilité aux essais, ou les décisions thérapeutiques souvent différentes chez les aînés.
L’avènement des immunothérapies a changé l’arsenal thérapeutique du cancer du poumon, mais soulève des questions inédites. Plusieurs points sont à souligner :
Plusieurs pistes émergent pour améliorer le pronostic du cancer du poumon chez les seniors confrontés à l’immunosénescence :
On souligne également la nécessité d’inclure davantage de seniors dans les essais cliniques : ils ne représentent souvent que 25 à 35 % des participants, alors qu’ils constituent la majorité des patients dans la « vraie vie ».
Le lien entre immunosénescence et progression du cancer du poumon est aujourd’hui clairement identifié par la recherche, mais il reste un domaine de questionnement fécond. Les défis sont nombreux :
À l’intersection de la biologie du vieillissement et de l’oncologie thoracique, améliorer la compréhension de l’immunosénescence, c’est aussi ouvrir de nouvelles pistes d’accompagnement et d’espoir pour des malades souvent oubliés des grandes avancées médicales.
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