L’incidence du cancer du poumon ne cesse d’augmenter avec l’âge : en France, près de 65 % des nouveaux cas sont diagnostiqués chez des patients de plus de 65 ans (INCa). Or, l’âge modifie profondément la manière dont le corps réagit au développement d’une tumeur, notamment par le biais du système immunitaire qui voit ses fonctions altérées avec le temps. Une dynamique qui n’est pas sans conséquence, tant sur l’apparition que sur la progression du cancer du poumon.
Mais que sait-on exactement de ce « vieillissement immunitaire » – ou immunosénescence ? Quels mécanismes en jeu favorisent l’oncogenèse pulmonaire chez les personnes âgées ? Enfin, ces connaissances ouvrent-elles la voie à des stratégies de prévention et de traitement adaptées au grand âge ?
L’immunosénescence désigne l’ensemble des altérations progressives du système immunitaire liées à l’avancée en âge. Ce déclin touche à la fois l’immunité innée (lignées cellulaires comme les macrophages ou les cellules NK) et l’immunité adaptative (lymphocytes T et B).
Le système immunitaire ne se contente pas de défendre l’organisme contre les agents infectieux. Il surveille en permanence les modifications cellulaires et élimine les cellules précancéreuses, via un processus appelé immunosurveillance tumorale (Dunn et al., Nat. Immunol., 2002). Ce mécanisme mobilise surtout :
Lorsque l’immunosurveillance fléchit, la probabilité qu’une cellule cancéreuse échappe à la destruction et prolifère augmente significativement. Le cancer du poumon, très immunogénique à ses débuts, illustre parfaitement cette dynamique.
Les Natural Killer, cellules garantes de la première ligne contre les cellules tumorales, perdent leur efficacité avec l’âge. Cette perte de fonction – moins de reconnaissance, moins de capacité à induire la mort cellulaire – a été associée à une augmentation du risque de cancers solidaires, dont celui du poumon (Gayoso I, Aging Cell, 2011).
Des recherches récentes montrent que le microbiote respiratoire vieillit également : cette évolution modifie les signaux immunitaires locaux, affaiblissant la vigilance de la muqueuse pulmonaire et contribuant ainsi au terrain favorable à la carcinogenèse (Liu HX, Aging, 2021).
Le vieillissement immunitaire peut modifier la manifestation des symptômes d’un cancer du poumon chez les seniors, contribuant au diagnostic tardif. Les infections respiratoires à répétition, la toux persistante «banale», sont parfois banalisées ou attribuées à tort à l’âge ou à la BPCO. Une vigilance accrue est donc indispensable, en particulier chez les patients connus pour être immunodéprimés ou très âgés.
Certaines interventions pourraient contribuer à ralentir l’immunosénescence ou à atténuer ses effets :
Le déclin du système immunitaire modifie à tous les niveaux la trajectoire du cancer du poumon chez les plus âgés, de la prévention au traitement. Pourtant, il ne s’agit pas d’une fatalité : la recherche avance, visant à caractériser de nouveaux biomarqueurs d’immunosénescence ou à restaurer la vigueur du système immunitaire vénérable. L’intégration de ces données à la prise en charge globale – médicale, nutritionnelle, sociale – ouvre déjà des pistes pour améliorer le pronostic et la qualité de vie des seniors atteints de cancers thoraciques.
Une meilleure compréhension des mécanismes subtils du vieillissement immunitaire n’est pas seulement une question de science : elle est un levier pour combattre les idées reçues, adapter la prévention, personnaliser les soins, et rendre enfin visible et digne la lutte des aînés contre la maladie.