Avant d’aborder leur rôle dans les cancers thoraciques, la définition rigoureuse de ces deux notions s’impose.
Ces deux états sont fréquemment intriqués : la malnutrition favorise la fragilité, et la fragilité majore le risque de dénutrition, installant ainsi un cercle vicieux particulièrement délétère face au cancer.
Le lien entre statut nutritionnel et risque de cancer n’est plus à démontrer, mais il prend un relief particulier chez les aînés exposés aux cancers thoraciques.
Fait marquant : plusieurs études européennes (GERICO, ELCAPA) ont montré que jusqu’à 25 % des nouveaux diagnostics de cancer pulmonaire chez les plus de 75 ans étaient réalisés sur fond de dénutrition modérée ou sévère (GERICO, 2018). Non seulement la malnutrition augmente le risque initial, mais elle modalise aussi, par le biais de phénomènes d’inflammation chronique de bas grade, la « prise » de cellules tumorales latentes.
Si la fragilité n’est pas une pathologie en soi, elle multiplie la probabilité qu’un stress aigu (infection, altération métabolique, cancer) ait des conséquences disproportionnées.
Quels chiffres mettent en lumière ce triangle de risques et quelles nuances selon les types de cancers thoraciques ?
| Pathologie | Prévalence de la malnutrition à la découverte du cancer | Impact de la fragilité sur le pronostic |
|---|---|---|
| Cancer bronchique non à petites cellules | 25–35 % chez les plus de 70 ans (Muscaritoli et al., 2016) | Risque de décès X2 en cas de fragilité sévère à 1 an (Gustafsson et al., 2019) |
| Mésothéliome pleural | 30–50 % de dénutrition profonde chez les plus de 80 ans (Cherny et al., 2014) | Diminution significative de la tolérance au traitement et de la survie globale en cas de fragilité |
| Cancers bronchiques à petites cellules | 20–30 % avec sarcopénie associée | Prise en charge souvent contre-indiquée en raison de l’état général |
En population générale, la fragilité multiplie par 1,5 à 2 le risque de développer un cancer solide après 70 ans, tous sites confondus (British Journal of Cancer, 2016). Les états de dénutrition sévère doublent à eux seuls le risque d’apparition d’une tumeur maligne, indépendamment des autres facteurs de risque (OpenSAFELY, 2018).
Face à ces chiffres, la vigilance doit être à la hauteur de l’enjeu.
Mieux connaître le poids de la malnutrition et de la fragilité revient à dépister plus tôt, jouer un rôle actif dans la prévention, et repositionner la question de l’âge sur le terrain de l’expertise médicale et humaine. La lutte contre le cancer thoracique chez le senior passe autant par la science que par le lien de confiance, la vigilance quotidienne, la bienveillance portée à la singularité du patient et à sa trajectoire de vie. Il ne s’agit pas seulement d’ajouter « des années à la vie » mais bien « de la vie aux années » — avec la ferme intention de réduire cette part évitable du risque que représentent la malnutrition et la fragilité.