Le cancer thoracique, majoritairement le cancer du poumon, est souvent silencieux à ses débuts. Chez la personne âgée, plusieurs particularités biologiques et sociologiques rendent son dépistage difficile :
Une étude française menée en 2021 (LRTS, Cancer Medicine) a montré que chez les plus de 75 ans, près d’un quart des cancers du poumon étaient diagnostiqués en phase avancée, faute d’alerte symptomatique interprétée précocement.
Certains symptômes precoces, lorsqu’ils apparaissent isolément ou persistent au-delà de trois semaines, doivent alerter, en particulier chez une personne de plus de 65 ans avec antécédent tabagique ou exposition professionnelle à des toxiques pulmonaires :
La gériatrie nous enseigne que la maladie prend souvent le contre-pied de la classique « grande triade » (toux, hémoptysie, malaise respiratoire) :
Le vieillissement s’accompagne souvent de plusieurs symptômes non spécifiques aussi présents lors du développement d’un cancer thoracique :
Selon l’HAS, l’erreur la plus fréquente est de surinterpréter ces signes comme étant psychogènes ou liés à la seule sénescence, reportant ainsi la réalisation d’examens complémentaires parfois essentiels.
Chez une personne ayant fumé (y compris ayant cessé depuis plus de 15 ans), la vigilance doit être accrue. Une étude du National Cancer Institute rapporte que 68% des seniors diagnostiqués pour un cancer du poumon n’avaient plus aucune plainte respiratoire notable, alors que 90% avaient un antécédent tabagique. Surveiller toute modification (selon la règle du « tout signe nouveau est suspect ») : inconfort thoracique, infections pulmonaires plus fréquentes, voix éraillée ou légère désaturation à l’effort.
Chez les plus de 80 ans ou ceux ayant de nombreux traitements, la présentation peut être paradoxale : absence de toux mais apparition d’une confusion soudaine, d’une chute inexpliquée, voire d’une fièvre sans foyer trouvé. Ces « syndromes gériatriques », appelés aussi « présentation frustre », doivent être connus des aidants et des soignants : ils justifient l’adaptation des grilles de repérage symptomatique chez le grand senior (ex : grille G8, ONCOGÉRIATRIE).
Il n’existe pas de portrait-robot du symptôme précoce. Plusieurs signes discrets, apparus récemment, suffisent à justifier :
Des travaux récents utilisent l’intelligence artificielle pour analyser les dossiers médicaux de patients âgés et détecter les combinaisons « signaux faibles/symptômes banals » précurseurs d’un cancer pulmonaire (JAMA Oncology, 2020). En parallèle, des campagnes de sensibilisation ciblent les soignants en EHPAD, les généralistes et les aidants afin d’intégrer le dépistage dans une démarche intégrative du soin aux seniors.
Si peu de symptômes sont typiquement « évidents » chez les seniors, une attention accrue, coordonnée, partagée entre famille, soignants et patient, permet d’augmenter le taux de détection précoces et d’éviter les diagnostics en phase tardive. En intégrant la culture du soupçon bienveillant dans le suivi des personnes âgées, professionnels et aidants jouent un rôle clé dans l’amélioration de la survie et de la qualité de vie liée au cancer thoracique.
Rapprocher science, bons sens et vigilance : voilà la clé pour faire reculer ce diagnostic difficile, mais pas impossible, du cancer thoracique chez nos aînés.