Arrêter de fumer demeure l’un des leviers les plus puissants pour améliorer sa santé, même après plusieurs décennies de tabagisme. Mais l’arrêt du tabac, surtout réalisé à l’âge adulte ou à la cinquantaine, n’efface pas tous les dommages accumulés au fil des années. Chez les personnes âgées, ce passif tabagique continue à peser lourdement sur les risques de maladies, notamment dans le domaine des cancers thoraciques. Comment expliquer cette persistance ? Pourquoi le passé de fumeur reste-t-il un facteur aggravant, y compris des décennies après ?
Le tabac affecte chaque organe du corps, mais ses séquelles sur l’appareil respiratoire et les tissus thoraciques sont particulièrement marquantes. Plusieurs mécanismes expliquent la persistance du risque même après une longue période d’abstinence :
Il est admis que l’arrêt du tabac réduit effectivement le risque de cancer du poumon et d’autres cancers thoraciques. Toutefois, ce risque ne revient pas à celui d’un non-fumeur, même après 15 ou 20 ans sans tabac. Les chiffres sont parlants :
La réponse réside dans la nature cumulative et multiplicative de l’action du tabac :
Au-delà du cancer bronchopulmonaire, le tabagisme ancien aggrave de nombreux autres maux, en particulier chez la personne âgée :
Un enjeu majeur dans la prise en charge des seniors : la plupart des essais cliniques sur la prévention ou la prise en charge du cancer du poumon sélectionnent des participants plus jeunes ou en meilleur état général. Les profils des seniors ex-fumeurs, souvent porteurs de comorbidités, restent sous-étudiés. Cela pose plusieurs problèmes :
Le poids du tabagisme ancien n’est pas réparti de façon égale dans la population senior. Le passé de fumeur est souvent associé à des déterminants sociaux défavorables. À 75 ans, un ouvrier ex-fumeur chronique a un risque de mourir d’une cause liée au tabac près de deux fois supérieur à celui d’un cadre (DREES, 2021). Si les campagnes antitabac ont vu émerger de nouvelles générations de seniors non-fumeurs, ce retard dans la baisse du tabagisme, combiné à d’autres facteurs de vulnérabilité (alimentation, activité physique), amplifie les inégalités de santé.
Que faire devant cette réalité ? Plusieurs axes d’intervention apparaissent essentiels :
Le passé tabagique ne doit plus être un simple item à cocher dans le dossier médical. Il doit devenir un véritable axe de réflexion dans la prise en charge gériatrique, dès la prévention, le diagnostic jusqu’à la discussion thérapeutique. Repérer à temps les séquelles du tabac est fondamental pour personnaliser le parcours de soins, mais aussi pour sensibiliser les familles et aidants à l’importance d’un accompagnement adapté.
La prévention du tabagisme chez les seniors, même anciens fumeurs, ne se limite pas à l’arrêt. Elle passe par une réponse globale, qui intègre les risques résiduels, favorise un vieillissement actif et optimise la qualité de vie. Faire connaître ces données, les expliquer sans stigmatiser, c’est mettre en lumière le rôle de la connaissance dans la lutte contre l’injustice sanitaire et orienter la société vers plus d’équité dans la santé de nos aînés.